Mardi 7 décembre 2010 à 22:18

__Quand Maddie rentra chez elle, elle trouva son appartement ravagé. Tout était sens dessus dessous, les tiroirs grand ouverts, et les étagères éparpillées un peu partout. Plus rien n'était à sa place dans son appartement, mais ce n'était pas tout : son ordinateur et sa télévision (seuls équipements de valeur qu'elle possédait) étaient complètements hors service. C'était comme si quelqu'un avait donné un grand coup dedans. Sur le coup, cela lui fit peur. Elle reprit donc quelques affaires qu'elle n'avait pas prises pour la visite chez ses parents, et repartit. Sans réfléchir, elle commença à marcher sans s'arrêter. Marcher, marcher, marcher. Et puis, elle arriva dans un nouvel endroit qu'elle n'avait jamais vu, qui ressemblait à un ovni.  

__Des portes coulissantes s'ouvrirent toute seules lorsqu'elle passa devant le bâtiment, et un solo de saxophone lui parvint aux oreilles. Cela l'interpella, et elle s'arrêta. C'était le seul bâtiment dans le coin qui n'était ni une maison ni un immeuble. Son regard se tourna alors vers la source de ce bruit, et elle vit une sorte de pièce aux murs peints en jungle. Un homme se tenait derrière un comptoir marron, le regard dans le vague. Il aurait presque pu ressembler à son petit ami, sans lunettes. Presque. Parce qu'ils n'avaient vraiment pas le même style. L'homme portait un haut léopard sous une chemise taupe, le tout accompagné d'un pantalon couleur chocolat. 

__En apercevant Maddie, son visage s'illumina, comme s'il n'avait vu personne depuis une éternité.

"Bonjour ! Vous êtes ici pour notre concours ?"

__Elle sursauta. Elle n'avait fait qu'un pas, pour mieux voir l'intérieur et voilà que cet homme lui sautait déjà dessus.

"Euh, ben, c'est à dire que... Quel concours ?
- Mais celui affiché sur nos panneaux, bien sûr !"

__Elle se souvint d'un coup qu'elle venait de slalomer sur le trottoir pour éviter des présentoirs vert pomme. Et elle se dit qu'elle ne supportait vraiment pas le morceau de jazz qu'ils passaient. Le vendeur entreprit d'expliquer l'opération :

"Notre compagnie vous propose de gagner un voyage dans les pays de la Loire, pour visiter ses châteaux. Pour cela, rien de plus simple : votre numéro de portable nous suffit ! Si vous êtes chanceuse, vous serez tirée au sort et pourrez vous joindre aux trente autres personnes qui seront également tirées. Les seuls frais que vous aurez à payer de tout le voyage sont les 2€ de participation, même l'hôtel vous sera offert.
- Ah.... Eh bien, non merci."

 __Elle se retourna vers la sortie, et sans rajouter le moindre mot reprit sa marche vers un endroit inconnu. Rien ne l'irritait plus que les châteaux. A part le jazz et les saxophones. Et le léopard. Et les commerciaux. 

 __Elle continua à marcher, jusqu'à atteindre une rue pleine de magasins de vêtements. Et se demander ce qu'elle faisait là, à se promener alors que son appartement avait été saccagé. Mais en même temps, elle n'avait pas trop envie d'y retourner, voir son chez-elle mis à mort par un inconnu. Qui n'était pas si inconnu que ça en fait. Cet homme, l'origine de tout son mal depuis qu'elle avait essayé de se défendre. Elle n'aurait peut-être pas dû finalement... Se laisser faire, abandonner... Cela aurait peut-être été plus facile... Si elle aurait abandonné. Abandonné… Elle vit un bus passer, qui menait jusqu’à la gare. Abandonné.

 

__Sans vraiment réfléchir, alors qu’il s’arrêtait pour récupérer quelques passagers elle monta à bord. Au moment où il arrivait à bon port, elle n’avait toujours pas retrouvé ses esprits. Elle observa le panneau indiquant le départ des trains se mettre à jour plusieurs fois, puis monta dans le premier train qu’elle vit. Personne ne lui demanda de tickets. Et le train partit.

 

__Ce ne fut que quelques stations plus tard qu’un contrôleur lui fit enfin remarquer qu’elle n’avait aucun billet, ce qu’elle n’avait même pas encore réalisé jusqu’ici. Elle descendit donc à la station suivante, parfaitement calme (ou plutôt sous le choc). Une fois dehors, elle acheta cette fois-ci un ticket de bus et monta dans le premier qu’elle trouva. Elle s’assit à une fenêtre et commença à détailler le paysage qui l’entourait : beaucoup de vert partout, flouté cependant par la pluie qui commençait à tomber. Les bâtiments étaient vieux et imposants.

 

__Et puis, elle remarqua une plaque "Bienvenue à Allonnes". Drôle de nom de ville. Salut, le nom de ma ville ressemble à ‘seul’ en anglais. Veux-tu sortir avec moi ? D’ailleurs, en un éclair, elle pensa à Matt. Qu’est-ce qu’elle allait lui dire…

 

__En fait, tout compte fait elle ne pourrait rien lui dire du tout. Du fait de sa famille, Matt ne pourrait rester caché avec elle. Le PDG la retrouverait via son oncle. Elle se dit alors qu’elle allait devoir faire le choix le plus dur de sa vie : renoncer à celui qu’elle aimait plus que tout le reste. Elle ne voyait pas vraiment d’alternative. Entre repartir à zéro et mourir… Et puis, Matt était jeune, il s’en remettrait vite.

 

__C’est alors que le bus se stoppa, et quelqu’un en descendit. Maddie se dit que c’était le moment pour elle de retrouver son amie la pluie et entreprit de sortir elle aussi.

Dimanche 12 décembre 2010 à 16:37

__Apparemment, c’était toujours Allonnes, ou tout du moins si cela ne l’était plus la ville d’à côté lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. La pluie se faisait de plus en plus forte et les trottoirs étaient trempés. Au fond, cette ville devait être pas mal par beau temps. Mais il était difficile d’en juger en l’état présent ; elle marcha vers le bâtiment le plus beau qu’elle parvint à distinguer sous la pluie et une fois devant, elle constata que c’était une auberge. Coup de bol. Elle entra, et découvrit une bâtisse toute en bois qui donnait envie de se reposer.  

__En franchissant la porte elle découvrit une pièce toute marron et rouge qui lui rappelait le chalet de ses parents. Le sol était un très vieux parquet qui craquait ; les murs étaient également en bois, d’un beau brun clair, et enfin les meubles, des mêmes tons, avaient l’air particulièrement accueillants. Confortables, mais également vieux. A sa gauche étaient installés des fauteuils en cuir bordeaux,  suivie d’une table basse en bois assortie au parquet. Devant elle, une cheminée massive s’imposait, montrant le chemin jusqu’au comptoir, décoré d’une plante. Elle s’approcha, et le réceptionniste lui fit un sourire chaleureux.

"Bonsoir ! C’est pour une chambre ?
- Oui. Pour une personne.
- Une personne ?"

 __L’homme ne regarda même pas le registre.

 "Oui, nous avons une chambre de libre."

 __Il lui tendit une clé.

"Voilà. Après avoir franchi cette porte, c’est tout au fond à droite. Ne sortez pas."

 __Que voulait-il dire par ‘ne sortez pas’. Maddie se le demanda, mais elle ne dit rien. Elle finit de réserver et partit vers sa chambre, pour enfin comprendre. Au bout du couloir se tenait une porte transparente qui menait à l’extérieur de l’hôtel. Un chemin vers le jardin peut-être ?

 __Ce fut en pénétrant dans sa chambre qu’elle comprit la raison de cette porte ainsi placée. Dans ce petit hôtel il n’y avait pas de salle de bains individuelle pour sa chambre. Il n’y avait pour ainsi dire qu’un lit tout mou, un bureau et une armoire. Plus une fenêtre assez large qui avait vue sur les différents arbres du parc… Et un petit bâtiment sur la droite. Les douches et les toilettes. Mieux valait ne pas avoir de besoin pressant par jour de tempête, on dirait… Ou alors,  il faudrait se montrer courageux.

 __Elle ne réfléchit pas trop. Elle posa son sac et partit découvrir les environs.

 __Elle ne savait même pas situer sur une carte la région où elle se trouvait… Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle était venue de la gare Montparnasse, donc elle était dans l’Ouest de la France. Et qu’autour de l’hôtel, il y avait… pas tant de choses que ça en fait. Il y avait certes quelques maisons, mais rien terrible autour d’elle. Avec en plus les toilettes et la salle de bain dehors.

 __Il faisait déjà nuit, à cette heure-là. La pluie qui était tombée il y a quelques heures s’était désormais transformée en neige, et même si elle ne recouvrait pas encore le paysage, l’air s’était considérablement rafraîchi. Elle observa son souffle se matérialiser sous la forme de gouttelettes de buée, disparaissant dans l’air. Elle se mit alors à méditer sur elle-même, sa vie, et Matt. Matt. Un flocon de neige fondit sur son visage. Puis un autre. Il commençait vraiment à faire froid… Elle décida de rentrer.

__Juste alors qu’elle s’asseyait sur son lit, son téléphone se mit à sonner. Elle le saisit, regarda le numéro affiché et remarqua que c’était en fait, justement, Matt. Elle fixa à demi horrifiée son nom matérialisé sur son écran et ne sut que faire. Ou plutôt que répondre aux questions qu’il lui poserait. Il n’accepterait jamais qu’elle le protège, il aimait tellement choisir les choses par lui-même. Il chercherait à venir quand même. Il détestait perdre… Elle continua à fixer son prénom jusqu’à ce que celui-ci disparaisse. Suivi quelques secondes plus tard d’un SMS annonçant "Vous avez un message sur votre messagerie vocale". Tremblante, elle l’écouta.

 "Maddie, c’est Matt. J’ai trouvé ton appartement. Qu’est-ce qui s’est passé ? C’est lui ? Ce n’est pas ça qui va nous séparer, tu sais. Où es-tu ? Je m’inquiète pour toi. Réponds-moi vite s’il te plaît."

 __Sauf qu’elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle lui dirait si elle le rappelait. Que tout était fini... Que leurs vies devaient se séparer... Non. Elle n’en était pas capable. Elle conclut qu’elle ne le rappellerait pas, pas aujourd’hui. Ou peut-être jamais, si elle ne devenait jamais forte… Peut-être jamais…

__Elle éteignit son portable et décida de tester la (ou les) salle de bain de l’hôtel. Qui au final fut une salle où plusieurs douches étaient alignées,  avec des portes opaques et possibilité de les fermer à clé. Plus un petit espace vestiaire. Après tout, c'était logique au fond. Quel autre genre de salle de bain aurait-elle pu trouver... Cependant, un malaise se forma au milieu de son ventre lorsqu'elle vit arriver un homme qui devait avoir la trentaine et qui désirait se laver aussi. Il n'y avait pas de séparation hommes/femmes : l'hôtel était trop petit. Ils portaient chacun un peignoir blanc alors qu'il était entré ; cependant, le contraire n'aurait pretiquement rien changé à sa panique. Elle eut l'impression qu'il la fixa quelques secondes d'un regard déplacé, mais n'aurait jamais pu le prouver car elle ne l'avait observé dans les yeux qu'une fraction de seconde. Elle s'avança vers une porte en serrant ses vêtements de toute ses forces, l'ouvrit et puis la referma à clé, tremblante. Elle n'aimait qu'une personne. Qu'elle ne reverrait jamais...

__Penser à lui la remit alors plus en confiance. Il l'aurait défendue.

__Elle posa ses vêtements par terre, enleva son peignoir et s'approcha de la cabine de douche. Une eau brûlante en sortit et acheva de la calmer. Elle se perdit dans ses pensées, entre cet hôtel très étrange mais au final accueillant, la personne qu'elle aimait le plus au monde qu'elle ne pourrait pas revoir, et sa vie qu'elle devrait reconstruire. Elle décida de quitter l'hôtel le lendemain : ces douches la traumatisaient vraiment. Ainsi, elle chercherait une maison, et puis un travail ensuite.

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