__Lorsqu'elle était petite, Maddie avait un oncle pédophile. Il semblait totalement normal, personne n'aurait pu l'imaginer. Personne, à part elle. Il venait visiter sa famille chaque mercredi, elle devait donc endurer ses attouchements chaque semaine. Le pire, c'était que ses parents adoraient cet homme qui la blessait hebdomadairement, parce qu'il se montrait doux et serviable en apparence. La seule chose qui avait fini par la sauver, était lorsqu'ils décidèrent de déménager à l'autre bout de la France, comme ça. Et l'oncle ne pouvait plus venir maintenant. Elle avait vénéré cette nouvelle maison.

__Mais ils décidèrent de déménager subitement au milieu de l'année, comme s'ils s'étaient doutés de quelque chose. Et elle avait eu du mal à entrer en contact avec les autres élèves. Toutes les bandes étaient déjà formées et elle avait peur des gens lorsqu'ils étaient plusieurs... De plus, ils n'étaient pas comme elle. Ils adoraient s'amuser, aller les uns chez les autres, et vivaient pour défier leurs parents. Maddie, elle n'avait aucun problème avec les siens qui venaient de la sauver. Et comme elle n'aimait pas les groupes de gens, elle n'aimait pas non plus les fêtes. Par contre elle aimait beaucoup lire toutes sortes de choses, comme des romans ou des comics. Et écouter les gens parler à la radio.

__Les autres avaient fini par la considérer comme bizarre, du fait de ses goûts différents. Même ses vêtements, n'étaient pas pareils que ceux des autres, même s'ils étaient plutôt mignons. Cela ne rentrait pas dans le moule. Alors, elle fut de plus en plus à l'écart et lit de plus en plus de livres. Elle se découvrit une vraie passion pour les comics. Ces personnes qui étaient plus fortes que les autres, et qui l'utilisaient pour faire le bien. Elle rêvait de faire partie d'eux.

__Et ses rêves continuèrent jusqu'à ses vingt-cinq ans.... Où ils furent anéantis par un homme qui avait choisi d'abuser de son pouvoir. Encore une fois. Encore un homme.

__Maintenant, elle n'avait plus aucun rêve. Elle ne savait plus quelle voie choisir. Et de toute manière, ça n'avait plus beaucoup d'importance, elle allait bientôt disparaître pour de bon. Sa vie était terminée, du moins elle le croyait.

__Dans un éclair de lucidité, elle entreprit de rassembler quelques affaires et d'en faire un sac, au cas où. Elle hésitait à aller voir ses parents,  mais cela pouvait s'avérer dangereux pour eux si elle le faisait. Elle finit par décider d'aller les voir un très court moment pour éviter le pire. Elle les appela donc, et elle tomba sur sa mère, ravie, qui était en train de préparer à manger. Elle lui dit qu'elle pourrait venir quand elle le voudrait, même sans prévenir, parce qu'elle était sa fille. Celle-ci la remercia et raccrocha.

__Partir loin. N'était-ce pas déjà une manière de disparaître ? Peut-être qu'en cherchant à se protéger de cet homme elle le laissait au contraire gagner. Mais comment faire alors ? L'attaquer en justice ? Il n'y avait eu aucun témoin et aucune preuve, évidemment. Tant pis. Elle voulait vivre, encore un petit peu. Au diable la soumission.

__Et elle descendit donc son immeuble, sac à la main et partit pour chez ses parents. Ils avaient un chalet, quelque part dans la montagne. Avec un peu de chance, elle pourrait y aller.

__Personne ne répondit quand elle frappa à la porte, une fois arrivée à destination. Cela ne la surprit pas, au fond. Elle n'avait pas officiellement prévenu qu'elle allait venir aujourd'hui. Elle frappa encore une fois, juste au cas où, et après avoir attendu encore un petit peu, elle finit par se décider à tourner les talons à sa maison natale. Ce fut juste à ce moment-là que sa mère apparut sur le pas de la porte, tout de blanc vêtue. L'hiver lui avait fait ressortir son bon vieux manteau blanc.

"Madeleine ?"

__Ce mot lui arracha un sourire. Il y avait  longtemps qu'on ne l'avait plus appelée par son vrai nom. 

"Oh, ce que je suis contente de te voir ! Après ton coup de fil, je me suis doutée que tu allais venir, mais pas cet après-midi ! Oh, avec ton père nous allions aller au cinéma, mais puisque tu es là ce sera repoussé. Allez, entre."

__Elle saisit alors sa fille par l'épaule et la dirigea vers la porte, en lui précisant de faire attention à la marche. Comme si Maddie avait pu oublier ce jour où elle s'étala de tout son corps dans l'entrée, juste parce qu'elle avait raté la marche de la porte. Cela lui avait coûté deux incisives et une grande flaque de sang au milieu du carrelage, qui n'avait pas changé d'ailleurs.

__En rentrant dans le salon, elle découvrit son père, habillé en costume et les cheveux désormais blancs. Il avait en revanche gardé sa moustache en brosse, pourtant si démodée maintenant.

"Te revoilà enfin, ma fille.
- Oui.
- Qu'est-ce qui t'amène donc ?"

__A ces mots, elle blêmit, ce que son père remarqua tout de suite.

"En fait, ce sont des problèmes...."

__Sans vraiment savoir comment, elle leur raconta alors l'histoire. Qu'elle avait essayé de devenir super héros, que l'oncle de son petit ami l'y avait aidée, qu'elle avait effectués quelques jobs de pacotille, qu'elle avait fini par décrocher une mission importante, et que le client important en question s'était considéré assez important pour essayer d'abuser d'elle. Et bien sûr, qu'il essayait d'avoir sa peau car il était convaincu qu'elle l'avait crié sur tous les toits.

__Pour finir, elle fondit en larme devant eux. Sa mère s'approcha, mit sa main sur son épaule et lui dit qu'ils la protégeraient toujours, quitte à y perdre la vie. Elle lui dit qu'elle ne pourrai pas lui donner les clés du chalet, puisque son poursuivant penserait sans doute d'abord à chercher là-bas. Elle quitta alors la pièce quelques temps, puis revint avec une énorme liasse de billets.

"Il va falloir que tu te débrouilles toute seule pour partir. Sinon, tu laisseras des traces et on pourra te retrouver. Mais si tu as un problème, tu pourras toujours nous appeler, nous essaierons de t'aider du mieux que nous le pourrons. Tu sais, tu es notre fille unique, c'est pour toi que nous vivons. Nous ne t'abandonnerons jamais.
- Merci maman, ça me fait tellement plaisir que tu acceptes comme ça de m'aider.
- Mais c'est normal, je suis ta mère. Et tu es ma fille chérie."

__Cette phrase plongea Maddie dans ses méditations. Fille chérie.

__Quelques heures plus tard, elle repartit,  après les avoir enlacés de toute ses forces, et également après avoir bien profité de ces instants avec eux, qui seraient peut-être les derniers.